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Smyrne & Co
28 janvier 2016

‪#‎HassanRohani‬ !

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Ne faisons plus comme les Romains!

Depuis quelques jours, les réseaux sociaux s'emparent avec frénésie de l'expression jusqu'alors un peu oubliée «À Rome, fais comme les Romains».

Le contexte de cette redécouverte est le camouflage, au musée romain du Capitole de plusieurs statues antiques jugées trop dénudées pour le président de l'Iran, Hassan Rohani, en visite officielle dans la Ville éternelle. Il est de bon ton de railler la pudibonderie iranienne qui s'offusquerait de la nudité de corps admirablement figurés par un art qui fait une part de la renommée des Antiquités grecque et romaine. Il n'est pas certain que cet angle d'attaque soit le plus pertinent. Chaque civilisation a un rapport à la corporéité qui lui est propre et qui, de surcroît, évolue. S'il est intrinsèquement illégitime de dissimuler entièrement le corps d'une femme et de lui ôter quelque chose de sa dignité de personne en ne la considérant que comme un objet de tentation, appréhender la décence et la pudeur de manière différente selon les lieux et les époques n'a rien de scandaleux.
L'Europe est unie dans l'idée que la culture, c'est-à-dire la manière d'habiter et d'incarner l'humanité, est propre à chaque région du monde.

Une autre attitude l'est et l'est d'autant plus qu'elle a été celle d'Européens. L'injonction à vivre comme les Romains vient des racines les plus profondes de notre culture, de l'intersection entre l'héritage romain et la nouveauté chrétienne, venue de l'extérieur du continent. Saint Ambroise, évêque de Milan au IVe siècle, est supposé avoir fait ce conseil à son disciple saint Augustin, originaire d'Afrique du nord, afin qu'il sache se faire plus aisément accepter comme disciple du Christ dans des contrées aux mœurs différentes. Ce n'est aucunement anecdotique. L'Europe s'est construite sur (et parfois contre) la foi d'Ambroise et d'Augustin et autour d'une vision du monde et de l'homme qui en découlait. En cette matière, aucun relativisme n'a droit de cité. En revanche, l'Europe est unie dans l'idée que la culture, c'est-à-dire la manière d'habiter et d'incarner l'humanité, est propre à chaque région du monde. L'Européen considère qu'il n'y a rien à porter comme un absolu dans ses propres mœurs et voit dans celles des autres, tant qu'elles honorent la nature humaine, une particularité à respecter. La réciprocité est naturellement attendue.

Cette attitude tient ensemble une fermeté de convictions et une profonde tolérance. Elle dessine un chemin exigeant de discernement entre le fondamental et le secondaire et incite l'autre à la même disposition. Dans ce contexte, cacher, chez soi, des statues antiques au motif qu'elles ne sont pas tout à fait conformes à la tradition culturelle de l'hôte que l'on accueille, c'est trahir l'identité européenne. Il ne s'agit pas seulement du reniement d'un rapport hérité à sa culture. Il s'agit aussi d'un signe de soumission à l'idée que la culture de l'autre peut légitimement être un absolu à visée hégémonique. Surtout, ne faisons plus comme les Romains!

Louis Manaranche est agrégé d'histoire et président du laboratoire d'idées Fonder demain.

Son livre Retrouver l'histoire est paru en 2015 aux éditions du Cerf. 


Sculpture au Château de Versailles

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